6 OCTOBRE 18H00 I L'INSTITUT FRANÇAIS DE TUNISIE
TEXTE CURATORIAL :
L’ensemble des travaux ont été réalisés en Algérie, le pays de mon père, mais aussi au Maroc (essentiellement à Tanger) et en Tunisie.
Sont présentés l’installation des scrapbooks algériens qui parlent des nombreux voyages que j’ai effectués, seul ou avec mon père, pour aller en Algérie y retrouver puis voir la famille ; la vidéo « Harragas » qui présente les films que ces derniers réalisent avec leurs téléphones portables au cours de leur traversée de la Méditerranée pour se rendre en Europe, et enfin la vidéo de l’arrivée en bateau sur Marseille, « Le retour » réalisée en 2013, vingt années après ma première traversée en 1993.
Ils parlent avant tout de cette tentative de comprendre mon histoire et mes origines. Pendant vingt années, j’ai travaillé en Algérie mais il m’a fallu beaucoup temps pour admettre et comprendre qu’il ne s’agissait pas uniquement d’un travail documentaire sur ce pays mais aussi d’un travail totalement introspectif et inconscient, une tentative de comprendre qui j’étais…
Après ces longues années algériennes, j’ai pensé que ma quête identitaire était finie. Mais il n’en était rien, c’est au cours de deux projet récents effectués avec des migrants sub-sahariens, l’un avec Florence Aubenas à Marseille sur les migrants et un autre toujours en cours avec la metteuse en scène Julie Kretzschmar avec qui nous interrogeons la présence de migrants sub-sahariens à travers différentes villes de la Méditerranée (Naples, Tanger, Tunis,…), que j’ai ressenti auprès de toutes ces personnes rencontrées comme une profonde connexion avec leurs histoires, leurs vies…
Ces travaux plus récents effectués au cours de ces trois dernières années, en Tunisie et au Maroc, parlent de cette tentative de comprendre qu’elle est ma connexion à toutes ces histoires.
L’insight est un terme anglais employé en psychologie pour définir le moment au cours duquel nous prenons conscience de quelque chose. Nous pouvons avoir une révélation au sujet de nos problèmes (ou une solution pour l’un d’entre eux), de notre état moral, de nos émotions, de nos pensées, etc.
Il me semble de plus en plus clair que tous ces travaux effectués en Algérie ainsi que ceux récemment réalisés en Tunisie et au Maroc participent progressivement à une plus grande compréhension de ce que je suis, de ce que je vis…
Particulièrement ce sentiment que j’ai depuis toujours, de ne pas être à ma place quel que soit l’endroit où je suis, d’être toujours dans un entre-deux, ni vraiment d’ici, ni vraiment de là-bas…
L’accumulation de toutes ces expériences vient éclairer un peu plus cette quête inconsciente que je réalise depuis de longues années.
Les propositions présentées ici parlent de ce cheminement.
Bruno Boudjelal
BRUNO BOUDJELAL :
Français d'origine algérienne, il pratique la photographie comme un mode de vie qui interroge sans cesse sa propre identité et nous confronte à la nôtre.
Lorsqu'il décide de retourner en Algérie avec son père, il découvre un pays, une famille, un monde de violence, des paysages qui lui parlent et des individus avec lesquels il dialogue sans trop savoir où il en est.
A partir de là, vingt ans d'exploration très personnelle de l'Algérie, entre carnets de voyage et témoignages, vont l'amener à passer du noir et blanc à la couleur, à assumer de plus en plus que son point de vue n'est que subjectif, marqué par son histoire personnelle mais curieux de mettre en perspective le quotidien et l'histoire.
Deux autres grands chapitres, toujours en cours, se sont développés depuis, la traversée de l'Afrique du nord au sud et la banlieue parisienne.
Tiraillé entre deux continents, entre deux cultures, il est simplement généreux et affirme sa capacité à comprendre et à retranscrire une problématique complexe entre le Nord et le Sud.
SOUS LE COMMISSARIAT DE OLFA FEKI :
Olfa Feki est née en Tunisie où elle a poursuivi ses études d'architecture. Grâce à sa formation académique, elle s’ouvre sur le monde de l'art et découvre une passion pour les arts visuels et plus particulièrement pour la photographie. Pendant le Printemps arabe où la photographie est devenue une arme de la liberté, Olfa est passée à une échelle internationale en collaborant avec des institutions et des agences telles que: World Press Photo, l'agence Magnum, l'agence NOOR, etc. pour contribuer à l'établissement de la nouvelle génération de photojournalistes des rives nord-africaines. Après avoir fondé le premier centre d'art visuel en Tunisie, elle a décidé de s'installer en Egypte pour poursuivre sa carrière de curatrice.
Elle a contribué au redressement de la biennale du Caire en assurant la direction artistique de " Something Else 2015 ", une édition dirigée par Simon Njami. Son aventure curatoriale l'a amenée à voyager à travers le monde en assurant le commissariat de différentes expositions et biennales telles que World Nomads New York 2013, Dak'art 2014, Bamako Encounters 2017, la deuxième édition de la Biennale des photographes du monde arabe contemporain à l’IMA Paris et La MEP 2017.
Après avoir fait un détour par l'agence NOOR images à Amsterdam en 2016, elle retourne dans son pays pour fonder le premier festival d'art visuel ; #kerkennah01 en 2018. Elle est actuellement basée à Malte pour y découvrir la scène locale et créer de nouvelles connexions et collaborations. En 2021 elle a été nommée comme l'un des commissaires de Jaou Photo 2021.
